mardi 11 décembre 2012

Blanche neige

Publié par Admin à 13:24

Cela se passait en plein hiver et les flocons de neige tombaient du ciel comme un duvet léger. Une reine était assise à sa fenêtre encadrée de bois d’ébène et cousait. Tout en tirant l’aiguille, elle regardait voler les blancs flocons. Elle se piqua au doigt et trois gouttes de sang ombèrent sur la neige.
Ce rouge sur ce blanc faisait si bel effet qu’elle se dit : Si seulement j’avais un enfant aussi blanc que la neige, aussi rose que le sang, aussi noir que le bois de ma fenêtre ! Peu de temps après, une fille lui naquit ; elle était blanche comme neige, rose comme sang et ses cheveux étaient noirs comme de l’ébène. On l’appela Blanche-Neige. Mais la reine mourut en lui donnant le jour.
Au bout d’une année, le roi épousa une autre femme. Elle était très belle ; mais elle était fière et vaniteuse et ne pouvait souffrir que quelqu’un
la surpassât en beauté. Elle possédait un miroir magique. Quand elle s’y regardait en disant :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Le miroir répondait :

Madame la reine, vous êtes la plus belle au pays.

Et elle était contente. Elle savait que le miroir disait la vérité.
Blanche-Neige, cependant, grandissait et devenait de plus en plus belle. Quand
elle eut atteint ses dix-sept ans elle était déjà plus jolie que le jour et plus
belle que la reine elle-même. Un jour que celle-ci demandait au miroir :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Celui-ci répondit :

Madame la reine, vous êtes la plus belle ici
Mais Blanche-Neige est encore
mille fois plus belle.

La reine en fut épouvantée. Elle devint jaune et verte de jalousie. À partir
de là, chaque fois qu’elle apercevait Blanche-Neige, son coeur se retournait
dans sa poitrine tant elle éprouvait de haine à son égard. La jalousie et
l’orgueil croissaient en elle comme mauvaise herbe. Elle en avait perdu le
repos, le jour et la nuit. Elle fit venir un chasseur et lui dit :
- Emmène
l’enfant dans la forêt ! je ne veux plus la voir. Tue-la et rapporte-moi pour
preuve de sa mort ses poumons et son foie.
Le chasseur obéit et conduisit
Blanche-Neige dans le bois. Mais quand il eut dégainé son poignard pour en
percer son coeur innocent, elle se mit à pleurer et dit :
- 0, cher chasseur,
laisse-moi la vie ! je m’enfoncerai au plus profond de la forêt et ne rentrerai
jamais à la maison.
Et parce qu’elle était belle, le chasseur eut pitié
d’elle et dit :
- Sauve-toi, pauvre enfant !
Les bêtes de la forêt auront
tôt fait de te dévorer ! songeait-il. Et malgré tout, il se sentait soulagé de
ne pas avoir dû la tuer. Un marcassin passait justement. Il le tua de son
poignard, prit ses poumons et son foie et les apporta à la reine comme preuves
de la mort de Blanche-Neige. Le cuisinier reçut ordre de les apprêter et la
méchante femme les mangea, s’imaginant qu’ils avaient appartenu à
Blanche-Neige.
La pauvre petite, elle, était au milieu des bois, toute seule.
Sa peur était si grande qu’elle regardait toutes les feuilles de la forêt sans
savoir ce qu’elle allait devenir. Elle se mit à courir sur les cailloux pointus
et à travers les épines. Les bêtes sauvages bondissaient autour d’elle, mais ne
lui faisaient aucun mal. Elle courut jusqu’au soir, aussi longtemps que ses
jambes purent la porter. Elle aperçut alors une petite maisonnette et y pénétra
pour s’y reposer. Dans la maisonnette, tout était minuscule, gracieux et propre.
On y voyait une petite table couverte d’une nappe blanche, avec sept petites
assiettes et sept petites cuillères, sept petites fourchettes et sept petits
couteaux, et aussi sept petits gobelets. Contre le mur, il y avait sept petits
lits alignés les uns à côté des autres et recouverts de draps tout blancs.
Blanche-Neige avait si faim et si soif qu’elle prit dans chaque assiette un peu
de légumes et de pain et but une goutte de vin dans chaque gobelet : car elle ne
voulait pas manger la portion tout entière de l’un des convives. Fatiguée, elle
voulut ensuite se coucher. Mais aucun des lis ne lui convenait ; l’un était trop
long, l’autre trop court. Elle les essaya tous. Le septième, enfin, fut à sa
taille. Elle s’y allongea, se confia à Dieu et s’endormit.
Quand la nuit fut
complètement tombée, les propriétaires de la maisonnette arrivèrent. C’était
sept nains qui, dans la montagne, travaillaient à la mine. Ils allumèrent leurs
sept petites lampes et quand la lumière illumina la pièce, ils virent que
quelqu’un y était venu, car tout n’était plus tel qu’ils l’avaient laissé.
-
Le premier dit : Qui s’est assis sur ma petite chaise ?
- Le deuxième : Qui a
mangé dans ma petite assiette ?
- Le troisième : Qui a pris de mon pain
?
- Le quatrième : Qui a mangé de mes légumes ?
- Le cinquième : Qui s’est
servi de ma fourchette ?
- Le sixième : Qui a coupé avec mon couteau ?
-
Le septième : Qui a bu dans mon gobelet ?
Le premier, en se retournant, vit
que son lit avait été dérangé.
- Qui a touché à mon lit ? dit-il.
Les
autres s’approchèrent en courant et chacun s’écria :
- Dans le mien aussi
quelqu’un s’est couché !
Mais le septième, quand il regarda son lit, y vit
Blanche-Neige endormie. Il appela les autres, qui vinrent bien vite et
poussèrent des cris étonnés. Ils prirent leurs sept petites lampes et
éclairèrent le visage de Blanche-Neige.
- Seigneur Dieu ! Seigneur Dieu !
s’écrièrent-ils ; que cette enfant est jolie !
Ils en eurent tant de joie
qu’ils ne l’éveillèrent pas et la laissèrent dormir dans le petit lit. Le
septième des nains coucha avec ses compagnons, une heure avec chacun, et la nuit
passa ainsi.
Au matin, Blanche-Neige s’éveilla. Quand elle vit les sept
nains, elle s’effraya. Mais ils la regardaient avec amitié et posaient déjà des
questions :
- Comment t’appelles-tu ?
- Je m’appelle Blanche-Neige,
répondit-elle.
- Comment es-tu venue jusqu’à nous ?
Elle leur raconta que
sa belle-mère avait voulu la faire tuer, mais que le chasseur lui avait laissé
la vie sauve et qu’elle avait ensuite couru tout le jour jusqu’à ce qu’elle
trouvât cette petite maison. Les nains lui dirent :
- Si tu veux t’occuper de
notre ménage, faire à manger, faire les lits, laver, coudre et tricoter, si tu
tiens tout en ordre et en propreté, tu pourras rester avec nous et tu ne
manqueras de rien.
- D’accord, d’accord de tout mon coeur, dit
Blanche-Neige.
Et elle resta auprès d’eux. Elle s’occupa de la maison. le
matin, les nains partaient pour la montagne où ils arrachaient le fer et l’or ;
le soir, ils s’en revenaient et il fallait que leur repas fût prêt. Toute la
journéè, la jeune fille restait seule ; les bons petits nains l’avaient mise en
garde :
- Méfie-toi de ta belle-mère ! Elle saura bientôt que tu es ici ; ne
laisse entrer personne !
La reine, cependant, après avoir mangé les poumons
et le foie de Blanche-Neige, s’imaginait qu’elle était redevenue la plus belle
de toutes. Elle se mit devant son miroir et demanda :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Le miroir répondit :

Madame la reine, vous êtes la plus belle ici,
Mais, par-delà les monts
d’airain,
Auprès des gentils petits nains,
Blanche-Neige est mille fois
plus belle.

La reine en fut bouleversée ; elle savait que le miroir ne pouvait mentir.
Elle comprit que le chasseur l’avait trompée et que Blanche-Neige était toujours
en vie. Elle se creusa la tête pour trouver un nouveau moyen de la tuer car
aussi longtemps qu’elle ne serait pas la plus belle au pays, elle savait que la
jalousie ne lui laisserait aucun repos. Ayant finalement découvert un
stratagème, elle se farda le visage et s’habilla comme une vieille marchande
ambulante. Elle était méconnaissable.
Ainsi déguisée, elle franchit les sept
montagnes derrière lesquelles vivaient les sept nains. Elle frappa à la porte et
dit :
- J’ai du beau, du bon à vendre, à vendre !
Blanche-Neige regarda
par la fenêtre et dit :
- Bonjour, cher Madame, qu’avez-vous à vendre ?
-
De la belle, de la bonne marchandise, répondit-elle, des corselets de toutes les
couleurs.
Elle lui en montra un tressé de soie multicolore.
« Je peux bien
laisser entrer cette honnête femme ! » se dit Blanche-Neige. Elle déverrouilla
la porte et acheta le joli corselet.
- Enfant ! dit la vieille. Comme tu t’y
prends ! Viens, je vais te l’ajuster comme il faut !
Blanche-Neige était sans
méfiance. Elle se laissa passer le nouveau corselet. Mais la vieille serra
rapidement et si fort que la jeune fille perdit le souffle et tomba comme
morte.
- Et maintenant, tu as fini d’être la plus belle, dit la vieille en
s’enfuyant.
Le soir, peu de temps après, les sept nains rentrèrent à la
maison. Quel effroi fut le leur lorsqu’ils virent leur chère Blanche-Neige
étendue sur le sol, immobile et comme sans vie ! Ils la soulevèrent et virent
que son corselet la serrait trop. Ils en coupèrent vite le cordonnet. La jeune
fille commença à respirer doucement et, peu à peu, elle revint à elle. Quand les
nains apprirent ce qui s’était passé, ils dirent :
- La vieille marchande
n’était autre que cette mécréante de reine. Garde-toi et ne laisse entrer
personne quand nous ne serons pas là !
La méchante femme, elle, dès son
retour au château, s’était placée devant son miroir et avait demandé :

Miroir, Miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Une nouvelle fois, le miroir avait répondu :

Madame la reine, vous êtes la plus belle ici.
Mais, par-delà les monts
d’airain,
Auprès des gentils petits nains,
Blanche-Neige est mille fois
plus belle.

Quand la reine entendit ces mots, elle en fut si bouleversée qu’elle sentit
son coeur étouffer. Elle comprit que Blanche-Neige avait recouvré la vie.
-
Eh bien ! dit-elle, je vais trouver quelque moyen qui te fera disparaître à tout
jamais !
Par un tour de sorcellerie qu’elle connaissait, elle empoisonna un
peigne. Elle se déguisa à nouveau et prit l’aspect d’une autre vieille
femme.
Elle franchit ainsi les sept montagnes en direction de la maison des
sept nains, frappa à la porte et cria :
- Bonne marchandise à vendre
!
Blanche-Neige regarda par la fenêtre et dit :
- Passez votre chemin ! je
n’ai le droit d’ouvrir à quiconque.
- Mais tu peux bien regarder, dit la
vieille en lui montrant le peigne empoisonné. Je vais te peigner joliment.
La
pauvre Blanche-Neige ne se douta de rien et laissa faire la vieille ; à peine le
peigne eut-il touché ses cheveux que le poison agit et que la jeune fille tomba
sans connaissance.
- Et voilà ! dit la méchante femme, c’en est fait de toi,
prodige de beauté !
Et elle s’en alla. Par bonheur, le soir arriva vite et
les sept nains rentrèrent à la maison. Quand ils virent Blanche-Neige étendue
comme morte sur le sol, ils songèrent aussitôt à la marâtre, cherchèrent et
trouvèrent le peigne empoisonné. Dès qu’ils l’eurent retiré de ses cheveux,
Blanche-Neige revint à elle et elle leur raconta ce qui s’était passé. Ils lui
demandèrent une fois de plus d’être sur ses gardes et de n’ouvrir à
personne.
Rentrée chez elle, la reine s’était placée devant son miroir et
avait demandé :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au Pays ?

Comme la fois précédente, le miroir répondit :

Madame la reine, vous êtes la plus belle ici.
Mais, par-delà les monts
d’airain,
Auprès des gentils petits nains,
Blanche-Neige est mille fois
plus belle.

Quand la reine entendit cela, elle se mit à trembler de colère.
- Il faut
que Blanche-Neige meure ! s’écria-t-elle, dussé-je en périr moi-même !
Elle
se rendit dans une chambre sombre et isolée où personne n’allait jamais et y
prépara une pomme empoisonnée. Extérieurement, elle semblait belle, blanche et
rouge, si bien qu’elle faisait envie à quiconque la voyait ; mais il suffisait
d’en manger un tout petit morceau pour mourir.
Quand tout fut prêt, la reine
se farda le visage et se déguisa en paysanne. Ainsi transformée, elle franchit
les sept montagnes pour aller chez les sept nains. Elle frappa à la porte.
Blanche-Neige se pencha à la fenêtre et dit :
- Je n’ai le droit de laisser
entrer quiconque ici ; les sept nains me l’ont interdit.
- D’accord !
répondit la paysanne. J’arriverai bien à vendre mes pommes ailleurs ; mais je
vais t’en offrir une.
- Non, dit Blanche-Neige, je n’ai pas le droit
d’accepter quoi que ce soit.
- Aurais-tu peur d’être empoisonnée ? demanda la
vieille. Regarde : je partage la pomme en deux ; tu mangeras la moitié qui est
rouge, moi, celle qui est blanche.
La pomme avait été traitée avec tant d’art
que seule la moitié était empoisonnée. Blanche-Neige regarda le fruit avec envie
et quand elle vit que la paysanne en mangeait, elle ne put résister plus
longtemps. Elle tendit la main et prit la partie empoisonnée de la pomme. À
peine y eut-elle mis les dents qu’elle tomba morte sur le sol. La reine la
regarda de ses yeux méchants, ricana et dit :
- Blanche comme neige, rose
comme sang, noir comme ébène ! Cette fois-ci, les nains ne pourront plus te
réveiller !
Et quand elle fut de retour chez elle, et demanda au miroir :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Celui-ci répondit enfin :

Madame la reine, vous êtes la plus belle au pays.

Et son coeur jaloux trouva le repos, pour autant qu’un coeur jaloux puisse le
trouver.
Quand, au soir, les petits nains arrivèrent chez eux, ils trouvèrent
Blanche-Neige étendue sur le sol, sans souffle. Ils la soulevèrent, cherchèrent
s’il y avait quelque chose d’empoisonné, défirent son corselet, coiffèrent ses
cheveux, la lavèrent avec de l’eau et du vin. Mais rien n’y fit : la chère
enfant était morte et morte elle restait. Ils la placèrent sur une civière,
s’assirent tous les sept autour d’elle et pleurèrent trois jours durant. Puis
ils se préparèrent à l’enterrer. Mais elle était restée fraîche comme un être
vivant et ses jolies joues étaient roses comme auparavant.
Ils dirent :
-
Nous ne pouvons la mettre dans la terre noire.
Ils fabriquèrent un cercueil
de verre transparent où on pourrait la voir de tous les côtés, l’y installèrent
et écrivirent dessus son nom en lettres d’or, en ajoutant qu’elle était fille de
roi. Ils portèrent le cercueil en haut de la montagne et l’un d’eux, sans cesse,
monta la garde auprès de lui.
Longtemps Blanche-Neige resta ainsi dans son
cercueil toujours aussi jolie. Il arriva qu’un jour un prince qui chevauchait
par la forêt s’arrêta à la maison des nains pour y passer la nuit. Il vit le
cercueil au sommet de la montagne, et la jolie Blanche-Neige. Il dit aux nains
:
- Laissez-moi le cercueil ; je vous en donnerai ce que vous
voudrez.
Mais les nains répondirent :
- Nous ne vous le donnerons pas pour
tout l’or du monde.
Il dit :
- Alors donnez-le-moi pour rien ; car je ne
pourrai plus vivre sans voir Blanche-Neige ; je veux lui rendre honneur et
respect comme à ma bien-aimée.
Quand ils entendirent ces mots, les bons
petits nains furent saisis de compassion et ils lui donnèrent le cercueil. Le
prince le fit emporter sur les épaules de ses serviteurs. Comme ils allaient
ainsi, l’un d’eux buta sur une souche. La secousse fit glisser hors de la gorge
de Blanche-Neige le morceau de pomme empoisonnée qu’elle avait mangé. Bientôt
après, elle ouvrit les yeux, souleva le couvercle du cercueil et se leva. Elle
était de nouveau vivante !
- Seigneur, où suis-je ? demanda-t-elle.
-
Auprès de moi, répondit le prince, plein d’allégresse.
Il lui raconta ce qui
s’était passé, ajoutant :
- Je t’aime plus que tout au monde ; viens avec
moi, tu deviendras ma femme.
Blanche-Neige accepta. Elle l’accompagna et
leurs noces furent célébrées avec magnificence et splendeur.
La méchante
reine, belle-mère de Blanche-Neige, avait également été invitée au mariage.
Après avoir revêtu ses plus beaux atours, elle prit place devant le miroir et
demanda :

Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?

Le miroir répondit :

Madame la reine, vous êtes la plus belle ici,
Mais la jeune souveraine est
mille fois plus belle.

La méchante femme proféra un affreux juron et elle eut si peur, si peur
qu’elle en perdit la tête.

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